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mardi 15 avril 2014

Vieille France

L’autre jour, un mec m’a demandé pour combien je coucherais avec un inconnu. J’ai répondu que je ne coucherai jamais pour de l’argent, mais la réponse n’a pas semblée être celle attendue par le garçon qui a continué à me questionner lourdement. « Allez, pour 50000$ du couches pas ? Et pour 100000 $, ne me dis pas que tu dirais non ! T’imagine ce que tu pourrais faire avec 100000$ ? » Et alors que je m’entêtais, « non je ne coucherai jamais contre de l’argent, peu importe le montant », le mec insistait, devenant même franchement agressif, jusqu’à me sortir, agacé : « bon allez arrête de faire des manières, je connais une fille plus belle que toi, et elle m’a dit qu’elle coucherait pour 50000$ ».

En plus de me traiter de pute, le garçon (qui était supposé être un copain) m’a donc aussi traitée de menteuse, de moche, de chieuse et de vénale, le tout en 5 minutes de conversation déplacée.

Un homme charmant, donc. A l’image de ces hommes dans les rues de Lyon qui se sont permis de me dévisager comme un chien affamé reluque les poulets en vitrines dans une rôtisserie. « Si tu glisses, je te bouffe » me laissaient entendre leurs murmures gourmands qu’ils se permettaient de glisser à mon oreille en me croisant.

Atterrée, je regardais les prédateurs, assis en meute aux terrasses des cafés, interrompre une conversation pour se rincer l’œil sur une femme qui passait, se retourner dans un sens, puis dans l’autre, se pencher en arrière contre le dossier de leur chaise pour n’en pas perdre une miette, jusqu’à ce que la femme, faisant mine de ne rien avoir vu, disparaisse dans la foule.

« T’es bonne », « t’as un beau corps », « t'es sexy »… Je me faisais interpeller comme ça six, sept, huit fois par jour par des hommes de tous âges, qui se justifiaient ensuite (lorsque je les engueulais en leur demandant quel était donc leur problème a ces tarés du slip), me disant que fallait pas m’énerver comme ça madame, c’était pour faire un compliment.

« Je te baiserais bien ».

Tu parles du compliment.

J’ai souvent entendu dire que les canadiens ne draguaient pas. C’est vrai que quand tu arrives d’un pays ou les hommes sont restés coincés a l’époque du neandertal, tu te demandes pourquoi tout a coup plus personne ne veut te manger toute crue. C’est un peu comme quand Tom fait la sieste et que Jerry, habituée a se faire chasser 24h/24, vient le réveiller en lui tirant la moustache.

En fait, rassurez-vous : au Canada les bébés ça se fabrique comme en France. Mais parce que c’est une société plus neuve, la race humaine semble un peu plus civilisée. Les hommes ne tendent plus des pièges aux femmes comme à l’époque de la chasse au mammouth. Ici on utilise des armes plus fines, des techniques plus élaborées. Ça peut déstabiliser au début mais c’est en fait tout a fait normal. Car oui mesdames, vous avez le droit au respect !

A Vancouver aussi, je me suis faite beaucoup draguer dans la rue et aux restaurants. Les hommes s’arrêtaient et me disaient bonjour. Ils  me demandaient d’où venait mon accent, et ce que je faisais ici. Et puis ils proposaient de poursuivre la conversation dans un café. Voilà, ça n’allait pas souvent plus loin, mais c’était agréable. Peut-être qu’ils avaient faim eux aussi, mais ils avaient au moins la délicatesse de ne pas se lécher les babines en me montrant explicitement à quelle sauce ils allaient me manger.

Au Canada, je me sentais courtisée. En France, je me sens juste observée, menacée, traquée. Je me demande si ce n’est pas ce que je porte, ou si ce n’est pas ma démarche. J’ai peur de rentrer seule le soir, s’il m’arrive quelque chose ce sera ma faute, et puis je réalise que non, le problème ne vient pas de moi. Le problème ne vient pas non plus des hommes, qui ne sont pas des animaux. Le problème vient de là, de ce pays ou les femmes ne sont plus respectée ni par les hommes, ni même par les femmes.

Je prends l’exemple d’un article du magazine ELLE, qui consacrait ce mois-ci un dossier de 6 pages a la chanteuse Miley Cyrus. La petite dernière des studios Disney, obsédée par l’envie de ne plus être une enfant, a décidé de devenir une femme en devenant une pute. Depuis des mois, elle passe plus de temps à se trémousser a moitié nue contre des sexes masculins, ou contre ses peluches, ou contre un boulet de chantier, ou encore contre un marteau qu’elle lèche avidement en passant sa main tatouée dans sa petite culotte en coton, plutôt qu’à chanter.


Classe
Et vous pensez qu’ELLE, magazine féminin mais visiblement pas féministe, s’indignerait d’un comportement aussi vulgaire ? Pas du tout. L’article chante les louanges de cette « artiste accomplie », de cette « femme ambitieuse », engagée pour le droit des femmes à disposer de leur corps et à en faire ce qu’elles en veulent.

Disposer de son corps pour en faire la chose que l’industrie du porno et de la musique (dont les ficelles sont tirées par des hommes) a décidé d’en faire ; ce serait donc ça, l’ultime libération des femmes. Si un homme me force à me prostituer ou à montrer mes seins pour gagner ma vie, je suis une victime. Mais si je prends les devants et que je le fais de mon plein gré, je suis une femme libérée. Vive le féminisme en 2014 !

J’applaudis toutes ces femmes qui se pensent libres et l’égal des hommes en se comportant exactement comme les hommes veulent qu’elles se comportent. Les médias ont fait de ces jeunes filles des femmes objets et fières de l’être.

Vous pensez que j’exagère ? Regardez cette vidéo de toutes ces stars, suivies par des milliers de fans a travers le monde, qui pensent qu’être sexy c’est simuler une sodomie sur un fauteuil en cuir. « Tenons les hommes par les couilles ! » scandent ces idiotes, pendant que les hommes, ravis, leur laissent croire qu’elles ont pris le pouvoir.


Ce qu'elles font

A quoi elles ressemblent vraiment
La géniale vidéo de South Park sur l'Orgie de chats ici

J’étais à deux doigts d’écrire a la rédaction de ELLE et puis j’ai choisi d’écrire sur mon blog, parce que c’est encore une fois une différence de culture France / Canada que je pense être intéressante a partager.
Je ne savais pas expliquer pourquoi je ne voulais plus vivre en France lorsque les canadiens me demandaient la raison pour laquelle j’avais quitté un si beau pays. Il y a quelque chose, je ne sais pas. Je ne m’y sens pas bien. Je ne sais pas pourquoi. J’avais presque oublié, avec le temps, pourquoi je m’échappais de chez moi à chaque fois que j’y retournais. Le temps colorie tous les souvenirs aux couleurs de l’arc en ciel. Juste avant de quitter Vancouver, je me suis dit que j’avais hâte de revoir mon pays. Et puis je suis arrivée à Paris, et puis je suis allée à Montpellier, et puis j’ai été à Lyon, et la vérité m’a sautée au visage.

J’ai compris pourquoi j’étais si mal, malgré le fait qu’on y mange bien, qu’il y fait beau, qu’il y a ma famille, mon histoire et mes racines.

Il n’y a pas d’amour entre les gens. Il n’y a pas de respect ni de bienveillance, il n’y a pas de tolérance ni de curiosité pour l’autre. La France est maintenant régie par un sournois système de castes, et chaque caste prend soin de ne jamais se mélanger à une autre. Les noirs et les blancs, les hommes et les femmes, les hétéro et les homo, les musulmans et les athées, les hypster et les bobo, les ouvriers et les cadres sup, les gars des villes et les gars des champs, les artistes et les réalistes, les célibataires et les gens en couple, les français de France et les français d’ailleurs, les touristes, les juifs, et tous les autres. On ne se mélange pas. On ne se tolère pas. On ne s’aime pas. On ne se veut pas du bien. On a peur, on en a marre. On s’évite ou on se bagarre.

J’ai compté sur mes doigts le nombre de jour qu’il me restait à tirer dans ce pays que je ne reconnaissais plus, et j’ai filé une fois de plus, sans me retourner cette fois. Pas certaine que ce sera mieux ailleurs, mais convaincue que ce n’est plus chez moi.

4 commentaires:

  1. Malheureusement tellement vrai.....ça me désole.

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  2. "Le féminisme d'avant c'était poing levé, aujourd'hui c'est culotte baissée"
    Damien Saez

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  3. Voici un article qui mérite d'être salué.
    Je me réjouis de lire ce genre de propos : le mouvement commence à se faire connaître.

    Il ne reste plus qu'à trouver des solutions...

    Est-ce un exemple : pour répondre aux propos énoncés, devons-nous nous hisser à la hauteur des "hommes" dans les mondes de la musique et du porno ?

    Ou encore, après les labels télévisuels "5 fruits et légumes nécessaires à la santé", faut-il trouver également des mentions pour lutter contre les images visuelles et médiatiques prônant la notion de "culture du viol" en continuant d'exposer les corps féminins (et autres stigmates) à tout va ?

    Ou légaliser le port d'arme pour toute femme se baladant seule après une certaine heure ahahah !

    SB

    PS.:
    http://projetcrocodiles.tumblr.com/

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  4. Pour affligeants qu'ils soient, je ne crois pas que les exemples cités démontrent une quelconque misogynie, du moins au sens premier du terme (ensemble de préjugés affirmant la supériorité absolue de l'homme sur la femme). Le fait que ces propos sont souvent tenus par des individus qui sont misogynes par ailleurs est un autre problème.

    Les faits relatés peuvent être considérés comme la marque d'un manque d'éducation, mais il est également tentant d'y voire la fin de la galanterie (forme de politesse de principe due par l'homme à la femme, corollaire de sa supériorité dans une société patriarcale).

    De fait, les sempiternelles discussions à base de "pour combien tu couches / te fais sodomiser / suces / manges du caca / etc" sont courantes ... entre hommes. J'ai encore surpris il y a quelques semaines deux collègues masculins (la trentaine, cadres sups) dans une discussion de ce type. Les termes étaient presque mot pour mot ceux que vous rapportez.

    Les mêmes collègues n'oseraient sans doute pas poser ce genre de questions à une femme, précisement à cause des reliquats de leur éducation, parce que pour eux "on ne traite pas une femme comme ça". Ce traitement différencié me semble bien la marque de valeurs patriarcales. En un sens, mes collègues polissés sont plus sexistes que votre ami.

    De même, l'homme qui réduit la parade amoureuse à la simple interrogation "Marie, tu baises?" ne traite pas son interlocutrice comme un objet, mais comme un autre homme. Cet homme ne serait pas blessé par ce genre de proposition explicite, aussi il n'imagine pas que Marie puisse l'être.

    A ce titre la fréquentation de bars / boites gays est éclairante. La drague y est moins romantique et plus efficace, et personne ne s'en offusque, à l'exception de l'occasionnel hétéro perdu, attaché à démontrer vigoureusement sa virilité.

    En clair j'ai l'impression que ces phénomènes marquent d'avantage une difficulté de communication entre les sexes, à l'heure ou nous avons définitivement enterré les anciennes normes d'union et formes de communication amoureuse (mariages arrangés, demande au père, enlèvement au clair de lune, ...).

    Mais il n'est pas interdit d'espérer une évolution favorable ; un monde où les hommes seraient un peu moins primates et/ou où les femmes le seraient un peu plus.

    Et oui, en attendant, il risque fort d'être question de cul, de pipi et de caca. La révolution n'est pas un diner de gala.

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